Les nouvellistes dans l'œuvre de Donneau de Visé

Dans le prolongement des Nouvelles Nouvelles, Donneau de Visé réutilisera de différentes manières le personnage du nouvelliste dans certaines des œuvres qu’il fera paraître au cours des années suivantes.

Un personnage comique : « Les Soirées des auberges » (1663) et Les Nouvelles galantes comiques et tragiques (1669)

Moins d’une année après les Nouvelles Nouvelles, le libraire Jean Ribou publie en décembre 1663 un recueil nommé Les Diversités galantes, dont la paternité des textes est attribuée à Donneau de Visé. L’un de ceux-ci, « Les Soirées des auberges », rassemble autour d’une table des convives au fort potentiel comique (un capitaine, un plaideur, un cocu, …) qui échangent de brèves narrations. Parmi eux se trouve un nouvelliste, qui hérite des traits d’incivilité comique de ses prédécesseurs des Nouvelles Nouvelles. [extraits] - Il se presse de débiter des nouvelles
« Chacun commençait à manger et le nouvelliste avait, en se mettant à table, entamé deux ou trois nouvelles et commencé à entretenir la compagnie […] » (p. 19)

- Il est bavard et peine à rester silencieux. En outre, son obsession des nouvelles le mène à outrepasser les bornes de la civilité. Enfin, les nouvelles ne sont jamais dignes de foi.
« [A la suite d’une narration relativement courte] Le tout n’est pas impossible, reprit le nouvelliste qui n’avait demeuré qu’avec beaucoup de peine si longtemps sans parler. Mais passons à d’autres choses, poursuivit-il. Après avoir dit ces paroles, il demanda des nouvelles à toute la compagnie, et lorsque chacun lui eut dit ce qu’il savait, ou plutôt, ce qu’il ne savait pas, il reprit de chef la parole. » (p. 32)

- Il saute d’un sujet à l’autre
« Mais le nouvelliste, qui n’aimait pas qu’on s’arrêta si longtemps sur une même matière, parla en un moment de cent choses différentes. Il fit la description d’un bal, il parla d’un mariage, d’une collation, d’une partie de chasse, d’une audience qu’un ambassadeur avait eu ce jour-là du roi et d’un voyage dont on parlait à la cour. » (p. 36-37)

Un nouvelliste fait également une brève apparition dans les Nouvelles galantes, comiques et tragiques, en 1669. Les quelques lignes qui lui sont consacrées concentrent à nouveau des caractéristiques mises en évidence dans les Nouvelles Nouvelles : il est incivil, il est pressé de débiter sa nouvelle, et se répète de compagnie en compagnies. [extrait] « Le soir du même jour, cinq hommes s’entretenaient dans un jardin public lors qu’un nouvelliste passa devant eux, et sans qu’ils puissent l’arrêter, leur dit en passant : “la belle et jeune Clidaris est morte en couche”, et courut ensuite dire la même chose à cinq ou six pelotons de nouvellistes et revient aussitôt au premier à qui il avait dit la nouvelle. » (T. III, p. 397).

Le retour de la structure encadrante dans le Mercure galant

C'est toutefois dans le Mercure galant que les nouvellistes retrouveront l’importance que Donneau de Visé leur avait accordée dans les Nouvelles Nouvelles à l'occasion des tomes II et III.

Ils apparaissent dans ces deux tomes sous diverses modalités :

Élément essentiel pour la compréhension des Nouvelles nouvelles, le discours sur les nouvellistes inséré au début du second tome du Mercure galant explicite et promeut le rôle structurel que jouent les nouvellistes. [extrait] « […] je prétends vous divertir encore plus par les manières dont les choses se sont débitées, que par les nouvelles mêmes. Car enfin il n’y a rien de plus plaisant que les disputes qui se font quelques fois entre les deux obstinés [nouvellistes] : rien n’est plus divertissant, que d’entendre souvent parler de politique un homme qui n’a jamais su ce que c’est, que de voir débiter plusieurs nouvelles à la fois et d’en voir quitter une à moitié pour en commencer une autre et de la laisser aussitôt pour reprendre la première. […] c’est à dire que je vous vais faire part de toutes les nouvelles qui se sont débitées depuis ce temps-là, d’une manière plus divertissante que si je vous les racontais nuement. C’est ce qui me fait espérer que celles qui ne sont pas tout à fait curieuses vous plairont du moins par leur assaisonnement, si elles ne peuvent vous plaire par elles-mêmes. » (p. 16-20)

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