Information et nouvelles au XVIIe siècle

En puisant leur matière dans l’actualité littéraire et dans certains événements récents de la vie du royaume et de la cour, en mettant en scène des personnages dénommés nouvellistes, les Nouvelles Nouvelles illustrent autant qu’elles développent le goût largement répandu pour l’information qui s’affirme durant la période suivant la Fronde.

En effet, grâce à la multiplication et la diversification des sources d’informations, un intérêt nouveau pour l’actualité se développe auprès du public au cours des années 1650-1670 : on est avide de connaître les dernières affaires, on s’étourdit des nouvelles virevoltantes que livrent les canaux d’information, imprimés, manuscrits, autorisés ou proscrits par le pouvoir royal - qu’ils recourent à la diffusion manuscrite (réseaux épistolaires privés ou semi-privés, nouvellistes à la main…) ou imprimée (gazettes étrangères). Toute une partie de la production littéraire consiste ainsi à traiter ces “matières du temps” sous différentes formes (conversation, nouvelles, épigramme…).

Cette obsession de la “nouvelle” correspond au développement de l’information publique dans l’Europe du XVIIe siècle. En France, l’évolution médiatique est marquée par plusieurs étapes.

La création de la Gazette, tout d’abord. L’hebdomadaire, fondé en 1631 par Théophraste Renaudot, sur les exemples hollandais et anglais, offre un nouveau modèle de circulation de l’information, en transformant un réseau de correspondance privé en une feuille publique disponible pour quiconque souhaite l’acheter. Cela conduit à une reconfiguration du champ de l’information, et confère une valeur supérieure aux nouvelles issues de correspondances privées, ce qu’illustre l’opposition topique entre nouvelles de gazette et nouvelles particulières que l’on observe dans les romans de Scudéry (Clélie, t. IV, p. 1122-1149) et dans les Nouvelles Nouvelles (t. II, notamment p. 74, 275). L’État s’assure le contrôle de ce canal d’information essentielpar le versement d’une rente conséquente à Renaudot (voir G. Feyel, L’Annonce et la nouvelle. La presse de l'information en France sous l'ancien Régime (1630-1788), Voltaire Foundation, 2000).La présentation de la Gazette (petits caractères, espace réduit sur la page), le type de contenu (beaucoup de politique internationale) la destinent toutefois avant tout aux marchands et hommes d’État.

C’est la Fronde qui marque un tournant dans la diffusion de l’information et dans le goût pour celle-ci. La production foisonnante et anarchique des mazarinades nourrit considérablement la demande du public pour l’information et pour les nouvelles les plus récentes. Les pamphlets, recyclant des histoires anciennes et suscitant la curiosité pour d’autres plus récentes, font miroiter le scandale de la nouveauté et de l’inédit (voir C. Jouhaud, Mazarinades : la Fronde des mots [1985], Paris, Flammarion, 2009).

La Lettre en vers de Loret (mentionné dans les Nouvelles Nouvelles p. 215 sous le nom de Lycurgus) est créée à cette époque. Elle concrétise une diversification de l’information et un élargissement du public : visant clairement les cercles mondains par le choix de sa destinataire symbolique (“la duchesse de Nemours”), sa présentation séduisante (typographie italique, liseré au centre de la page), sa rédaction soignée (versification, style burlesque à la mode), elle offre une sélection de nouvelles différente de celles des gazettes, privilégiant l’actualité “culturelle” aux complications de la politique étrangère.

Dès les années 1660 et particulièrement à la mort de Loret en 1665, plusieurs tentatives de prolongement de l’entreprise se font jour : Boursault, Mayolas, Subligny, s’efforcent de lancer à leur tour un périodique similaire. C’est finalement Robinet (mentionné dans les Nouvelles Nouvelles p. 215 sous le nom d’Adamas), également collaborateur de la Gazette, qui s’impose. Ses Lettres en vers intègrent régulièrement de petites nouvelles, nourrissant l’ambiguïté entre informations véridiques et récits fictionnels.

Robinet ouvre la voie au Mercure galant de Donneau de Visé qui transforme profondément l’information périodique mondaine. Les 300 pages alternant prose et vers revêtent en effet un rôle politique central et intègrent, au côté des pièces en vers, des gravures, de la musique, et des contenus variés (voir C. Schuwey, Un entrepreneur des lettres au XVIIe siècle : Donneau de Visé, de Molière au « Mercure galant », Paris, Classiques Garnier, à paraître). Il s’impose comme le périodique de référence.

Cette révolution médiatique ne signifie en aucun cas la disparition des précédents canaux de distribution. Lues, recopiées, échangées, les correspondances continuent ainsi d’assurer la diffusion d’informations privées, semi-privées, ainsi que de nourrir en détails et versions alternatives les informations officielles, à l’image des célèbres lettres de Sévigné. Donneau de Visé met en scène ces pratiques au tome II des Nouvelles Nouvelles, p. 280sq, en décrivant l’excitation des nouvellistes lorsqu’ils reçoivent une lettre de Madrid. La scène conduit par ailleurs à la lecture des “Aventures du Prince Tyanès”, nouvelle écrite à partir d’une histoire circulant par le biais de rapports manuscrits.

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